Témoignage : un endettement presque insurmontable
Grâce à son appel à la ligne Parlons Cash et au soutien de nos assistantes sociales, Marcel voit enfin le bout du tunnel!
C’est pour fuir un environnement familial violent que Marcel* renonce à toute formation en quittant la maison alors qu’il n’a que 16 ans. Il « monte » à Paris, vit dans la rue. Puis il trouve des emplois sporadiques, notamment en station, le dernier proche de la frontière Suisse. Il est dans un dénuement total et vit dans sa voiture quand il tente sa chance en Suisse et qu’il décroche, enfin, un emploi (non saisonnier) dans la restauration à Genève. Nous sommes en 2003, Marcel a 25 ans.
La chance semble tourner puisque, grâce à un collègue qui l’aide à payer le premier loyer, il peut intégrer une colocation. L’hôtellerie ne paie pas très bien, mais pour lui c’est fantastique, il touche 2'400.- net par mois (impôts prélevés à la source).
Ayant de nombreuses factures en souffrance, il emprunte 10'000.- à une banque de crédit. Le remboursement s’avère difficile, son salaire ne progresse pas. Arrive l’obtention du permis C en 2006, l’impôt n’est donc plus prélevé à la source. «
Lorsqu’on a eu les impôts prélevés à la source, on oublie qu’il faut les payer, confie Marcel, et je ne connaissais rien du système fiscal pratiqué en Suisse. »
Alors, la première expérience ayant été une réussite, il décide de réemprunter. La nouvelle banque contactée rachète le reliquat de la dette précédente et lui octroie une rallonge de 10'000.-. Le remboursement devient encore plus difficile.
En 2009, sa colocataire décide de quitter le pays et lui laisse l’appartement, un trois pièces genevois, c’est dire une chambre à coucher, un salon et une cuisine. Pour Marcel, c’est une chance de se trouver chez soi et il le garde pour lui seul, il a besoin de se sentir chez lui et, pour la première fois de sa vie, il se sent en sécurité. Mais des charges plus importantes à la fin du mois, charges auxquelles viennent s’ajouter des frais médicaux, parce que mal assuré et une franchise beaucoup trop élevée. Commence alors une longue période de jonglage entre la carte de crédit et le prêt à la banque : Les factures impayées s’accumulent, dont celles des impôts. Il contracte un nouvel emprunt, puis encore et encore, il va finir par s’élever à 79'000.-.
Il perd son job dans l’hôtel de luxe de Genève, mais ne baisse pas les bras pour autant. Il trouve un travail à Lausanne où il s’installe dans une minuscule chambre non meublée. Pendant trois ans il dormira par terre, n’ayant pas les moyens de s’acheter un matelas.
En 2016, il signe un contrat avec une entreprise de recouvrement de dettes qui les lui rachète, mais ce qu’il paie chaque mois ne couvre que les intérêts, sa dette ne diminue pas, il n’arrive pas à s’en sortir avec son tout petit salaire.
Heureusement, son nouveau job est stable, c’est un CDI, un peu mieux payé. Il est très apprécié de son employeur qui lui offre des formations pour se perfectionner. C’est une chance pour lui de se sortir de ce seuil de salaire qui serait suffisant pour vivre seul, sans frais superflus, mais insuffisant quand on a une dette à rembourser et une saisie sur salaire.
Marcel est un battant, il tient debout, il déménage sur la Riviera et en 2017 décide de rompre le contrat avec la société de recouvrement qui l’enfonce depuis plus d’une année au lieu de l’en sortir.
Pendant deux ans, il se débat tout seul, jusqu’au jour où il appelle la ligne cantonale de désendettement (aujourd’hui nommée Parlons Cash), en 2019, qui l’aiguille vers Caritas Vaud. A ce moment, sa dette se monte à 110'000.-. Désespéré, il n’avait plus que la faillite en perspective.
L’assistante sociale de Caritas Vaud met en place le FLCP (Fonds de Lutte contre la précarité du Canton de Vaud) et, ensemble, ils obtiennent des abandons de dettes de certains débiteurs. Un gros travail se poursuit par les assistantes sociales (Anne-Marie Cothereau et Véronique Von Moos) pour rembourser ses poursuites.
Grâce au fonds FLCP il a pu régler tous ses impôts et se dit être aujourd’hui en situation saine malgré les 935.- à payer chaque mois. Il est heureux de se projeter à janvier 2024, moment où sa dette sera totalement épongée. Ce pourrait effrayer nombre d’entre nous, mais pas lui, il voit enfin une échéance à cette situation, la lumière au bout du tunnel. Il aura 47 ans quand il pourra commencer une vie financièrement saine et trouver la sérénité qu’il recherche dès sa naissance.
Professionnellement, il a gravi les échelons grâce à plusieurs formations internes payées par l’employeur. Son travail le passionne, il est très intéressant et implique des prises de responsabilités. C’est grâce à lui qu’il a tenu pendant toutes ses années.
Sa devise : être toujours de bonne humeur, toujours positif, trouver des astuces pour éviter d’expliquer pourquoi il ne pouvait pas accompagner ses collègues au restaurant, encore aujourd’hui, ils ignorent sa situation personnelle.
Au travail, Marcel se sent valorisé, il a l’impression de compter pour l’entreprise. Sympathique, aimable et serviable, il a toujours su se faire apprécier des clients des hôtels où il a travaillé, de ses responsables, et de tous ses collègues et donner le change. Personne, mis à part son supérieur direct bien évidemment, ne connaît les énormes difficultés auxquelles il devait faire face.
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Prénom d’emprunt - (c) photo : Ben Collins