Jeune mariée, Mila vient en Suisse pour partager sa vie avec son mari, un compatriote installé ici depuis quelques années. Très vite, la violence et la maltraitance poussent Mila et sa fille à quitter le foyer pour se protéger.
Mila* est arrivée en Suisse il y a bientôt dix ans, juste après son mariage arrangé par leurs deux familles, comme il est souvent de coutume dans son pays des Balkans. Son futur mari vit en Suisse depuis quelques années, Mila vient donc tout naturellement le rejoindre. Elle a 22 ans, lui 34. Ils ne se connaissent pas avant le mariage et doivent donc à la fois faire connaissance et apprendre à vivre ensemble. « Je n’étais jamais sortie de mon village, j’avais imaginé une vie de rêve. Or, mon mari sortait beaucoup, je me retrouvais tellement souvent seule à la maison, je ne parlais pas le français et il m’interdisait tout contact avec des compatriotes ».
La vie de couple est un enfer pour Mila : esclave de son mari, il ne la laisse pas sortir et lui retire ses papiers d’identités. Il est souvent absent, joue l’argent du ménage et le perd, ce qui le rend furieux. Il boit beaucoup et la violence s’immisce dans leur ménage. La naissance de leur petite fille n’y change rien, au contraire. Mila se retrouve à plusieurs reprises au CHUV et fait alors la rencontre d’une infirmière qui lui parle du Centre Malley-Prairie, un foyer pour femmes victimes de violence. Longtemps, elle repoussera la démarche de s’y rendre, espérant toujours qu’il ne recommencerait pas.
Jusqu’à la fois de trop qui pousse Mila à fuir en prenant sa fille pour se rendre au refuge. Elles y restent aussi longtemps que possible. « Ce furent les plus beaux mois de ma vie en Suisse » raconte Mila, « c’était si calme et si serein, nous pouvions enfin bien dormir ». Alors que le délai pour quitter le centre approche à grands pas, Mila rencontre Leilla Dépraz, l’assistante sociale de la prestation des logements de transition chez Caritas Vaud, qui lui attribue un appartement pour elle et sa fille.
C’est une période très heureuse pour Mila qui se sent enfin chez elle, pouvant se reconstruire avec sa fille. C’est la première fois de sa vie qu’elle peut décider pour elle-même. Cette liberté est remplie de promesses même si parfois elle est aussi compliquée à gérer. L’accompagnement social et le soutien qu’elle reçoit de Leilla lui permettent d’appréhender la vie au quotidien en Suisse (administratif, culture, éducation, santé, etc..), de se sentir moins seule et de faire des projets pour l’avenir.
Elle reste un an dans ce logement de transition, puis avec l’aide de Leilla et de Marjolaine (du Département Solidarité de l’Eglise catholique), Mila trouve un joli 3 pièces pour elle et sa fille. Elle est heureuse et fière d’avoir son propre appartement et l’aménage à son goût.
Malheureusement, la situation avec son mari n’est de loin pas toujours simple et ce malgré la séparation. A plusieurs reprises, ce dernier rentre par effraction dans leur appartement, faisant très peur à Mila et à leur fille.
Elle finit par obtenir le divorce et lui décide de rentrer au pays, ce qui est un énorme soulagement pour Mila. Elle choisit de rester en Suisse, car dans son pays natal, la place des femmes, qui plus est divorcée et mère célibataire, n’est pas enviable du tout et les perspectives d’avenir pour elle et sa fille sont inexistantes.
Aujourd’hui Mila aimerait pouvoir se former et rêve de devenir aide-soignante, elle a d’ailleurs entrepris les démarches auprès de la Croix-Rouge : « Je ne savais pas que j’avais autant de force avant de devoir me battre pour ma vie et pour ma fille. Mais j’y crois, et je sais qu’il n’y a pas de porte fermée, c’est juste qu’on n’a pas trouvé la bonne porte. Mes portes à moi ont été l’infirmière du CHUV, Leilla et Marjolaine ».