Anissa*, accompagnée de sa sœur aînée, a quitté le Cameroun en 2003 pour venir rejoindre celle qu’elles croyaient être leur mère. Âgées de 16 et 17 ans, c’est assez difficile pour elles de quitter leur grand-mère, aimante et rassurante, qui les a élevées jusqu’à ce départ. Et ce d’autant plus que cette grand-maman est désormais la seule de la famille encore au Cameroun. Dans leur esprit, elles quittent un cocon bienveillant pour rejoindre un autre cocon heureux et plein d’avenir. « On nous avait promis une vie douce et joyeuse en Suisse, dans une grande maison avec un grand portail à l’entrée, où nous aurons chacune notre chambre, pourrons aller à l’école et avoir beaucoup d’amis » explique Anissa.
Mais la réalité est tout autre lorsqu’elles arrivent à Yverdon. À travers la vitre de la voiture, elles voient des maisons dotées d’un grand portail, et pensent qu’elles sont arrivées. Or, c’est dans un parking souterrain qu’elles arrivent, rejoignant ensuite un petit appartement au dernier étage d’un immeuble. À trois dans leur chambre, les deux sœurs et la fille de la « tante » partagent un espace exigu. Car Anissa apprendra très vite que ce n’est pas leur mère, mais leur tante qui est venue les chercher au Cameroun.
L’année qui suit est difficile pour les deux sœurs, prostitution forcée et maltraitance physique à l’encontre de l’aînée, verbale pour la plus jeune, travail dans le magasin après l’école, pas de possibilité de voir des amis en dehors des heures d’école… Les promesses semblaient bien loin.
Après quelques mois, la tante prévoit d’emmener les deux filles voir leur grand-mère au Cameroun. Elles sont un peu étonnées de ce retour si rapide, mais s’en réjouissent. Or, changement de programme la veille du départ, la tante annonce soudainement qu’elle part seule avec la sœur aînée. Dotée d’un caractère un peu rebelle, elle a poussé sa tante à bout, qui a décidé de la ramener au Cameroun. Mais sitôt arrivée dans le pays, la jeune adolescente ne l’entend pas ainsi et se débrouille pour revenir en Suisse grâce à l’aide des parents d’une de ses amies qui lui paient le billet d’avion. De retour en Suisse, elle se rend à la police pour raconter ce qu’on lui faisait subir, les violences physiques et la prostitution forcée, etc. Et le monde de la tante s’écroule. « Visiblement, la police attendait d’avoir des preuves pour agir à son encontre, tant cela s’est passé vite », raconte Anissa. L’aînée est placée par le service de protection de la jeunesse (SPJ) dans un foyer et Anissa dans une famille camerounaise habitant la région d’Yverdon.
Elle abandonnera vite cette famille pour emménager dans une chambre mise à disposition par son maître d’apprentissage. Elle a en effet décroché une place dans un restaurant de la Riviera pour y effectuer un apprentissage de pâtissière-confiseuse. Malheureusement, celui-ci s’arrête moins d’un an plus tard. Alors Anissa, encore mineure, est prise en charge par le SPJ, puis enchaîne des petits boulots comme la garde d’enfants et les heures de ménage.
Jusqu’à ce jour, elle n’a pas pu envisager de recommencer une formation professionnelle, car elle a dû s’occuper seule de son fils né en 2010, alors qu’elle est âgée d’à peine 22 ans.
Elle vivait dans une chambre minuscule - sans salle de bain - et en sous-location - lorsque, avec l’aide de son assistante sociale, elle fait la demande à Caritas Vaud pour obtenir un logement de transition. Nous sommes alors en novembre 2017, et elle espère vivement pouvoir offrir à son fils la chance de passer Noël dans un appartement où il aurait sa propre chambre. C’est là que la chance lui sourit enfin : elle peut emménager dans un appartement mis à disposition par notre programme de logement de transition Ariane le 17 décembre 2017. Elle y restera jusqu’en août 2020, pour s’établir, dans le coquet 3 pièces qu’elle occupe maintenant à Aigle.
Anissa dit combien elle est reconnaissante à Caritas Vaud d’avoir mis un appartement à sa disposition, puis de d’avoir mis en place un accompagnement bénévole pour sa recherche d’appartement, ce qui lui a permis de trouver son autonomie. « J’ai pu m’appuyer sur une belle équipe », dit-elle, pleine de gratitude.
C’est une femme bien dans sa tête que nous avons rencontrée, très sereine, et heureuse dans son appartement. Elle projette de rester dans cette région qu’elle apprécie beaucoup. Elle se voit dans un foyer heureux, s’occupant d’enfants, les siens et ceux sur qui elle veillera.